Au début du mois d’avril, le Prix de l’énergie « Le Monde » Smart Cities a récompensé la start-up Sylfen, qui a mis au point un dispositif original de stockage de l’énergie utilisant de l’hydrogène. Ce n’est pas la première innovation à utiliser ce gaz, vecteur d’énergie et de chaleur, pour répondre à l’intermittence des sources d’énergie renouvelable : la France fait figure de leader dans la recherche sur cette technologie.
Une bonbonne d’hydrogène pour stocker l’électricité des bâtiments
Partant du principe qu’un bâtiment produisant de l’électricité en produit alternativement trop ou trop peu par rapport à sa consommation, la start-up Sylfen a imaginé un moyen de stocker le surplus produit, sous forme d’hydrogène, de façon à ce qu’il soit utilisé quand, a contratio, le bâtiment ne produit plus assez d’électricité.
Protégé par 22 brevets, ce dispositif baptisé Smart Energy Hub utilise la réversibilité du processeur d’énergie, une première mondiale : « Notre équipement est capable de fonctionner comme un électrolyseur pour transformer en hydrogène le surplus d’électricité créé localement et, inversement, en mode pile à combustible pour restituer cet hydrogène sous forme d’électricité quand on en a besoin », explique Nicolas Bardi, fondateur de la start-up.
Compact et abordable
Ce système a l’avantage d’être compact et abordable, puisqu’une bonbonne d’hydrogène revient vingt fois moins cher qu’une batterie, tout en permettant de stocker jusqu’à 40 kWh d’énergie. Disposant désormais d’un prototype, la start-up envisage une commercialisation pour 2018.
Ce projet n’est pas le premier à utiliser l’hydrogène pour stocker de l’électricité, particulièrement en France, qui est l’un des pays au monde à tester le plus de solutions expérimentales ou opérationnelles avec de l’hydrogène.
La plate-forme MYRTE, en Corse, teste le stockage hydrogène depuis 2013
Pour le stockage à grande capacité, la plate-forme MYRTE (Mission hydrogène renouvelable pour l’intégration au réseau électrique), installée depuis 2013 en Corse, fait figure de pionnière. Issue de la collaboration de l’Université de Corse, du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et d’AREVA, elle utilise une technologie développée par cette dernière entreprise, la Greenergy Box, composée d’un électrolyseur et d’une pile à combustion.
Ce dispositif permet le stockage d’hydrogène et d’oxygène obtenus par électrolyse de l’eau en période de faible demande d’énergie et leur recombinaison pour produire de l’électricité lors des pics de consommation.
La plateforme MYRTE connecte une centrale photovoltaïque de 560 kWc à une chaîne hydrogène composée d’un électrolyseur de 10 Nm3/h, de cuves de stockage d’hydrogène et d’oxygène respectivement de 1.400 Nm3 et 700 Nm3 et d’une pile à combustible de 100 kW. Son rendement électrique, actuellement de l’ordre de 30 et 35%, devrait augmenter avec le temps et les perfectionnements techniques.
Remplacer les groupes électrogènes pour les sites isolés
L’hydrogène est également utilisé pour des sites isolés, par les stations de production développées par la start-up Powidian, une émanation du groupe Airbus. Leur principe est de proposer des installations combinant un moyen de production d’énergie renouvelable et un système de stockage, pour remplacer les générateurs à fioul utilisés habituellement.
Ces stations SAGES (pour « Smart Autonomous Green Energy Station ») proposent un double système de stockage : « Pour le court terme, nous utilisons des batteries lithium ion, comme une installation photovoltaïque classique, et pour le long terme, sur plusieurs jours, voire plusieurs semaines, nous mettons en œuvre la chaîne à hydrogène », explique Pierre Langer, le président de Powidian. Le principe technique du stockage par hydrogène est le même que pour MYRTE, un électrolyseur, une cuve de stockage, une pile à combustible, mais à une échelle plus réduite.
Ce système offre une puissance maximale de 10 à 20 kW, et a été notamment installé en juin 2015 dans le refuge du col du Palet, situé à 2 600 mètres d’altitude, dans le Parc national de la Vanoise, et début 2017 dans le village du cirque de Mafate à la Réunion, inaccessible en voiture – deux sites qui ne dépendent plus de groupes électrogènes.
La start-up souhaite à présent installer d’autres stations de ce type, tout en travaillant à augmenter la puissance disponible : l’objectif est de parvenir à 500 kW, de quoi alimenter une petite ville africaine.
Ces différentes innovations démontrent l’efficience et la pérennité du stockage d’électricité grâce à l’hydrogène : ces projets doivent désormais réussir à basculer vers une industrialisation, pour s’imposer comme des solutions d’avenir viables à l’échelle nationale, européenne, voire mondiale.