Le premier smart village français vient de naître en Bretagne : si les technologies connectées intelligentes, visant à enregistrer, contrôler et maîtriser la consommation d’énergie, se développent majoritairement en ville, les aires urbaines de taille plus modestes peuvent en tirer un gain plus net et plus rapide. Décryptage.
Des capteurs, des compteurs intelligents, une expertise pour en tirer les conclusion qui s’imposent : le dispositif est classique, à la base de n’importe quelle expérimentation de smart grids ou de smart city. Mais l’échelle est plus surprenante : en général mises en place en milieu urbain ou à l’échelle d’une communauté de communes, ces technologies se sont installées dans le petit village de Saint-Sulpice-la-Forêt, 1 375 habitants, dans l’Ille-et-Vilaine.
Lutter contre l’explosion des factures au niveau local
A l’origine de cette expérimentation d’un genre nouveau se trouve le constat, qu’en matière énergétique, les factures avaient augmenté de 9 % par an entre 2006 et 2014. L’étincelle s’est produite quand le maire du village a constaté une fuite d’eau, datant de plusieurs semaines, dans un des bâtiments publics de Saint-Sulpice-la-Forêt : énervé par le montant de la facture, le maire a découvert que l’on pouvait connecter un compteur d’eau, d’électricité ou de gaz pour pouvoir connaître la consommation en temps réel et, surtout, grâce à une analyse régulière du réseau, détecter les pannes ou les fuites.
Emballé, le maire s’est lancé dans l’aventure, et a décidé de faire de son village le premier smart village de France au niveau énergétique : « Quelques mois plus tard, le conseil municipal votait un budget pour déployer des capteurs et un réseau pour faire le suivi de la consommation énergétique des bâtiments communaux, de la salle polyvalente au centre socioculturel, de la mairie aux ateliers en passant par l’école et la salle de sport. » explique Ulrich Rousseau, président et co-fondateur de Wi6Labs, une des start-ups qui participe au projet.
Compteurs intelligents et capteurs offrent 20 % d’économies au village
Des capteurs de température et des compteurs intelligents d’électricité, d’eau et de gaz ont été installés au niveau de ces bâtiments, en utilisant la technologie de l’Internet des Objets pour obtenir des données en temps réel, et les traiter. En quelques semaines, un gain de 5 % de consommation d’énergie est observé, simplement par l’envoi de l’information : en apprenant ce qu’ils consomment en temps réel, les usages des bâtiments municipaux s’astreignent d’eux-mêmes à une pratique moins énergivore.
Mais le gain le plus important a été obtenu en adaptant le chauffage aux utilisations réelles des bâtiments : pour cela il a fallu plusieurs mois d’expérimentation, de collecte de données et leur traitement par des techniciens réseau. Au bout du compte, après un an, une optimisation a pu être mise en place, conduisant à une nouvelle réduction de 15 % des coûts de l’énergie pour le village.
Le gain total pour Saint-Sulpice-la-Forêt s’élève à 20 % de la consommation d’énergie. Une économie conséquente, d’autant plus forte qu’au niveau rural, aucune expertise énergétique n’est habituellement mise en place. Les collectivités de plus de 20 000 habitants ont toujours un technicien qui connaît les bâtiments, et les économies réalisées en mettant en place des technologies de ville intelligente sont forcément moindres au niveau énergétique. Une zone rurale peut ainsi tirer un parti maximal de la mise en place d’un réseau intelligent.
De l’importance de la connectivité pour les zones rurales
Ce bel exemple illustre l’impact positif des technologies intelligentes et connectées pour les zones rurales : c’est vrai au niveau énergétique, mais également au niveau des services publics, de l’accès à l’information, à la culture, à la santé, à l’éducation ou au travail. De nombreux village ont vu se réduire comme peau de chagrin ces éléments vitaux au dynamisme d’une aire urbaine, quel que soit sa taille.
Or, un village intelligent peut offrir des alternatives connectées viables à ces manques – on peut notamment citer le télétravail, la télémédecine, la formation à distance, les cours en ligne ou les spectacles retransmis en direct sur grand écran. Le fer de lance de cette révolution serait la mise en place de maisons des services publics regroupant en un même lieu des bornes numériques chapeautées par un employé municipal, offrant accès aux services de la CAF, de la Sécurité Sociale, de la SNCF, d’EDF, etc.
Be smart !
C’est d’autant plus important que la démographie s’inverse : « Nos campagnes sont aujourd’hui plus attractives. Si 70.000 habitants quittent la campagne pour les villes, 100.000 personnes font le chemin inverse en France », explique Sébastien Côte, le président de Ruralitic, un forum sur l’importance du numérique en zone rurale.
Que ce soit au niveau de l’énergie ou des services publics, la connectivité d’un village peut assurer son dynamisme et son désenclavement : et l’exemple de Saint-Sulpice-la-Forêt prouve qu’une volonté municipale forte peut transformer n’importe quel village en smart village et lui offrir les avantages des technologies numériques.