Signe des temps qui changent : le Portugal a produit, au cours du mois de mars 2018, plus d’électricité renouvelable que sa consommation totale d’électricité. Une belle prouesse, mais qui souligne aussi la nécessité de développer correctement ses infrastructures : faute de stockage et d’interconnexion avec les pays voisins, le pays a tout de même dû produire de l’électricité à partir de combustibles fossiles. Gros plan.

Début avril 2018, l’Association Portugaise des Énergies Renouvelables (APREN) a annoncé la performance réalisée par le pays en mars 2018. Les énergies renouvelables ont produit durant ce mois l’équivalent de 103,6% de la demande en électricité du pays – dont 55% pour l’hydro-électricité et 43% pour l’éolien. Une excellente nouvelle, qui s’accompagne d’une baisse des tarifs de l’électricité, qui est passé de 43,93 euros le MWh en mars 2017 à 39,75 euros en mars 2018.

139 heures à ne consommer que de l’électricité renouvelable

La pays a ainsi réussi à n’utiliser que de l’électricité renouvelable pendant 70 heures de suite à partir du 9 mars, puis pendant 69 heures de suite à partir du 12 mars. L’objectif du pays est d’atteindre les 100% de renouvelables dans sa consommation totale d’énergie en 2040.

Ces bons résultats, qui confirment que le Portugal est un bon élève au sein de l’Union Européenne et l’un des leaders mondiaux de la conversion aux renouvelables, sont cependant à relativiser. D’une part à cause de la situation particulière du pays : le Portugal est relativement peu peuplé (10,3 millions d’habitants) et d’autre part car il dispose de ressources en renouvelables considérables pour un pays de cette taille.

Une localisation idéale pour valoriser les renouvelables

Sa façade maritime est ouverte sur l’Atlantique, les vents y sont forts et réguliers, assurant une forte productivité à l’éolien. De plus, le pays dispose de plusieurs fleuves (le Tage, le Douro et le Guadiana), alimentés par des précipitations élevées, qui sont autant de sites idéaux pour la construction de barrages hydro-électriques.

Le mois de mars a également été particulièrement chaud par rapport aux normales saisonnières, rendant la demande d’énergie (notamment pour le chauffage) plus faible qu’à l’accoutumée. De belles ressources, une consommation plus faible, peu d’habitants : tout est réuni pour que le pays batte des records en terme de renouvelables.

Cela étant, si le Portugal bat des records, c’est que les autorités ont fait le choix de valoriser fortement ces ressources, pour réduire la dépense du pays aux énergies fossiles. Disposer d’un potentiel de choix est une chose, l’exploiter à plein régime en est une autre.

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Madeire. Le Portugal bénéficie d’une localisation favorisant le recours aux énergies renouvelables.

Pourquoi le Portugal a tout de même fait tourner ses centrales à charbon

Cela étant, l’exemple portugais présente d’autres limites : le pays a certes réussi à produire plus d’électricité renouvelable qu’il n’a consommé d’électricité au total. Mais cela ne l’a pas empêché de faire régulièrement fonctionner ses centrales électriques au charbon pour produire de l’électricité.

Ce cas illustre à merveille la dépendance des renouvelables à des infrastructures pensées pour eux, telles que les smart grids ou les interconnexions. Produire de l’énergie renouvelable impose de contrôler cette production, et de pouvoir la stocker ou la réorienter quand elle est trop élevée.

Défaut de batteries de stockage, de smart grids et d’interconnexions

Le Portugal ne dispose actuellement pas de solutions de stockage suffisantes pour amortir ses pics de production de renouvelables. Comme le pays est très mal interconnecté à ses voisins, notamment l’Espagne, il n’a pas non plus eu la possibilité d’exporter cette électricité produite en surplus. Pour rappel, les Etats membres de l’Union Européenne sont censés atteindre en 2020 10% d’interconnexions, mais le Portugal, comme la majorité des Etats situés en périphérie de l’Union, est très loin de cet objectif.

Résultat de ce déficit d’interconnexions, de stockage et de solutions smart grids : les pics de production éolienne ne correspondant pas à une consommation forte (par exemple la nuit). Ainsi, une importante quantité d’électricité est produite sans être utilisée. Ce qui, en plus de représenter un gaspillage regrettable, impose des contraintes coûteuses au réseau électrique.

Pour autant, les choix des autorités portugaises sont à saluer dans leur volonté de miser largement sur les renouvelables ; le pays doit maintenant moderniser son réseau électrique et s’appuyer sur les smart grids s’il veut continuer à faire grimper sa part de renouvelables dans sa consommation totale d’énergie.