La France veut être à la pointe en développant largement la méthanisation et la production de biogaz pour en faire une véritable filière nationale. Augmenter le nombre de sites de production, faciliter l’injection sur le réseau de gaz, soutenir le monde agricole : cette technologie doit prendre sa place dans la transition énergétique française.
Au carrefour de l’énergie, de l’agriculture et du traitement des déchets, la méthanisation consiste à faire fermenter des déchets organiques (fumier et lisier d’animaux, boues de station d’épuration, déchets ménagers…) grâce à des bactéries, en conditions contrôlées, pour produire du biogaz. Ce dernier peut être utilisé, exactement comme le méthane qui existe à l’état naturel.
Cette technologie présente l’avantage de réduire la quantité de déchets à traiter par d’autres filières et d’offrir un complément de revenu appréciable au secteur agricole – ce qui la rend particulièrement attractive tant pour les pouvoirs publics que pour les agriculteurs.
Des objectifs biogaz élevés, une filière naissante et dynamique
La Loi de Transition Energétique a d’ailleurs fixé un objectif de 10% de gaz d’origine renouvelable en 2030 – ce qui représenterait une réduction de 3% des émissions de gaz à effets de serre du pays. Par ailleurs, la PPE en cours d’élaboration prévoit 1,7 TWh d’injection de biogaz dans le réseau pour fin 2018 – un chiffre qui devrait être atteint –, puis de 8 TWh en 2023.
Pour se donner les moyens de ses ambitions, le gouvernement veut soutenir la création d’une filière du biogaz. Le secteur est dynamique, 80 nouvelles installations ont été créées en 2017, la quantité de biométhane injectée dans les réseaux de gaz a doublé entre 2016 et 2017.
Un groupe de travail, mandaté par le gouvernement, a défini, dans un rapport déposé le 26 mars 2018, une quinzaine de mesures qui permettraient d’accompagner l’essor de cette filière.
Faciliter les autorisations de création d’installations de méthanisation
Pour favoriser des économies d’échelle, le France doit multiplier les installations de méthanisation sur son territoire ; l’intérêt écologique et énergétique de ces installations étant avéré, le groupe de travail propose de simplifier les réglementations, afin de réduire les délais, les contraintes et les normes nécessaires à l’obtention d’une autorisation de construction.
Le rapport propose notamment de remplacer, pour les méthaniseurs de taille moyenne, le principe de l’appel d’offre par un tarif d’achat à guichet ouvert. Le ministère de l’Agriculture devrait également débloquer 100 millions d’euros du Grand Plan d’investissement pour financer un fonds de garantie simplifiant l’accès au crédit pour les nouvelles installations.
Favoriser les méthaniseurs de grande taille
Le groupe de travail propose également de créer un appel d’offre spécifique pour les travaux de modification d’une installation, notamment pour en augmenter la taille ou pour réunir plusieurs méthaniseurs sur un seul point d’injection. En effet, pour l’instant, ce type de travaux ne peuvent pas faire l’objet d’aides de l’Etat, alors qu’ils permettent d’augmenter la production de biogaz.
Augmenter la taille des méthaniseurs permet en effet de faire baisser le coûts ; le rapport invite en conséquence le gouvernement à autoriser, sous contrôle, le mélange des matières premières traités par l’installation : cette mesure pourrait faire baisser les coûts de production de la filière de 100 à 80 euros MWh.
Autre priorité : généraliser la méthanisation des boues des grandes stations d’épuration, dont le potentiel biogaz est élevé. Une autre piste intéressante est de valoriser les digestats, ces résidus solides produits par la méthanisation : considérés aujourd’hui comme des déchets, ils pourraient très souvent être utilisés comme fertilisants naturels pour les sols.
Simplifier l’injection du biogaz sur le réseau, professionnaliser la filière
Le groupe de travail propose par ailleurs de faciliter l’injection du biogaz dans le réseau de gaz naturel, notamment en créant un « droit à l’injection », rendant le biogaz prioritaire sur tout autre combustible pour l’injection dans les réseaux de gaz naturel – afin de garantir des débouchées aux nouvelles installations.
Le rapport préconise également des mesures pour professionnaliser plus vite la filière, afin d’améliorer ses rendements et sa qualité : un vaste plan de formation et de communication, une multiplication des démarches qualité, soutenues par la création de guides, normes, certifications et labels – posant un cadre stable, connu, et adapté au contexte français.
Reste maintenant au gouvernement à transformer ces propositions en mesures concrètes – mais elles correspondent très bien aux mutations de l’énergie, du traitement des déchets et du monde agricole : de quoi convaincre de leur utilité.