Le 25 février, la Commission européenne a annoncé le lancement officiel de l’ « Union de l’énergie ». L’union européenne revient ainsi à ses sources : la coopération énergétique pour permettre d’assurer sécurité et stabilité. En 1951, il s’agissait pour la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) de favoriser la coopération et de relancer de grands programmes à l’heure de la reconstruction. Aujourd’hui, il s’agit désormais d’assurer la compétitivité des prix, de sécuriser un approvisionnement menacé, notamment du fait de la situation actuelle en Ukraine et au Moyen-Orient, et d’impulser une ambitieuse transition énergétique à l’échelle communautaire.
Un objectif majeur : la diplomatie énergétique
En adoptant le Paquet climat-énergie, l’Union européenne se positionne en précurseur d’un modèle énergétique durable à l’échelle mondiale. Les objectifs pour 2030 sont ainsi de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 %, d’accroître l’efficacité énergétique de 27% et de faire passer la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen à 27%. Pour autant, les politiques énergétiques européennes demeurent très diverses, comme en témoigne la différence entre les mix énergétiques français et allemand et il revient à chaque gouvernement de déterminer les moyens à mettre en place pour parvenir à remplir les objectifs européens. Le manque d’harmonie et de coopération prive ainsi la région d’une dynamique intra-régionale comme en témoigne le rapport « Énergie, l’Europe en réseaux » de Michel Derdevet, secrétaire général d’ERDF, remis au gouvernement le 23 février dernier. Celui-ci énonce que « l’absence de pilotage européen du modus operandi produit une désoptimisation industrielle, affaiblit les leaders énergétiques continentaux, induit des bulles dans le développement de certaines filières d’énergies renouvelables et aboutit à des signaux prix dissonant pour les investisseurs ».
À cette première difficulté s’ajoute un handicap majeur : l’Union européenne importe 53% de son énergie et chaque pays doit encore gérer ses importations énergétiques de manière unilatérale. Ainsi, même si, comme l’a fait remarquer Sergueï Kouprianov, porte-parole de Gazprom, « au plus fort de la guerre froide, Moscou n’a jamais manqué à ses engagements contractuels vis-à-vis de ses partenaires européens », la crise ukrainienne a mis en exergue certaines divergences au sein de l’Union européenne. Les conséquences d’une pénurie de gaz russe ne seraient en effet pas les mêmes pour la Slovaquie et pour la France : 80% du gaz slovaque provient de Russie contre seulement 24% pour l’hexagone. L’Union de l’énergie envisage ainsi une diversification de l’approvisionnement en termes de sources d’énergie, de fournisseurs et d’itinéraires d’approvisionnement. En parallèle, la diplomatie de l’énergie doit permettre de donner plus de poids à une voix européenne commune auprès de ses partenaires comme des institutions internationales dans le but de défendre un modèle de transition énergétique. L’Institut Delors voit en effet dans l’Union de l’énergie le « catalyseur de la nécessaire transition énergétique ».
La transition énergétique
La transition énergétique de manière générale suppose la transition d’un modèle de l’offre, généralement monopolistique ou oligopolistique à un modèle de la demande, avec une pluralité d’acteurs et de sources d’énergie primaire. Elle déplace ainsi le centre de gravité des producteurs d’énergie vers les citoyens. L’Union de l’énergie, doit cependant faire face à un problème majeur : son réseau est encore inadapté à un tel modèle car l’intégration des énergies renouvelables dans le réseau demeure balbutiante et le réseau lui-même a été établi à l’échelle nationale. Ainsi, au travers du principe de solidarité et de libre-circulation de l’énergie, la Commission laisse supposer que l’enjeu majeur de ce projet réside dans la mise en place d’un réseau intelligent et intégré qui permet notamment d’améliorer l’efficacité énergétique.
À l’approche de la Conférence de Paris pour le Climat, l’Union de l’énergie envisage d’ores-et-déjà d’adopter une « diplomatie climatique européenne active » pour parvenir à un accord global contraignant en faveur notamment de la « décarbonisation » de l’économie. Or la Commission européenne a mis en avant le fait que « la clef de voûte de la politique européenne est le bon fonctionnement du système d’échange de quotas d’émissions de l’UE » et, face aux nombreuses critiques pointant le manque d’efficacité du mécanisme du fait du nombre de quotas en circulation, le Parlement européen a d’ailleurs proposé de créer une « réserve de stabilité ».
Sources : Institut Delors, Institut Montaigne, Rapport du Sénat, touteleurope.eu, huffingtonpost.fr