Pour augmenter le taux d’accès à l’électricité de sa population et réduire sa dépendance aux importations venues d’Éthiopie, Djibouti a décidé de miser sur les énergies renouvelables, en particulier la géothermie, au potentiel immense.

Djibouti est déterminé à réussir sa révolution énergétique, le plus rapidement possible. Actuellement, le petit pays d’Afrique de l’Est souffre d’une profonde dépendance énergétique. Sa couverture en électricité dépend largement des importations venues de l’Éthiopie voisine, à hauteur de 65 à 80% selon les années.

Se libérer d’importations coûteuses et peu fiables

Cette situation est problématique pour trois raisons essentielles. D’abord parce que cette électricité importée coûte cher à la population. Ensuite parce que les capacités d’exportation de l’Éthiopie vers Djibouti baissent régulièrement. Enfin parce que cet accès n’est pas fiable et que les délestages sont extrêmement fragilisant pour l’économie locale.

Les autorités se sont donc donnés des objectifs élevés : Djibouti ambitionne d’être indépendant énergétiquement à l’horizon 2035, grâce à une production 100% renouvelable.

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Evolution des sources d’énergie à Djibouti. http://documents.worldbank.org/curated/en/288701499407581367/pdf/PAD1930-PAD-FRENCH-P158505-PUBLIC.pdf

Le pays dispose en effet d’un potentiel solide en ce qui concerne les énergies renouvelables : son ensoleillement est très fort, son positionnement géographique, au point de rencontre de la Mer Rouge et du Golfe d’Aden, lui assure des vents puissants et réguliers. Des centrales solaires et éoliennes sont ainsi d’ores et déjà en projet.

Un potentiel géothermique évalué à 5 000 MW

Mais l’énergie sur laquelle Djibouti a décidé de miser en premier lieu est moins fréquente : le pays entend mettre en avant son potentiel géothermique, parmi les plus forts du monde. Le pays est en effet situé au point de rencontre de trois rifts – ceux de la Mer Rouge, du Golfe d’Aden et le Rift Est-Africain -, au bout de trois plaques tectoniques. Cela fait de Djibouti une terre volcanique, où les roches en fusion sont proches du sol, regorgeant de cheminées, fumerolles, geysers et sources d’eau chaude.

Le pays a identifié depuis de longues années une vingtaine de sites propices à l’exploitation de cette énergie géothermique (les premières recherches ont été lancées dans les années 1970), notamment autour des deux grands lacs salés d’Assal et d’Abbé. Le potentiel de ces sites est évalué à 5 000 MW par le docteur Kayad Moussa Ahmed, directeur général de l’Office djiboutien de développement de l’énergie géothermique (Oddeg), un organisme créé en 2013 par le chef d’État, Ismaïl Omar Guelleh. À titre de comparaison, M. Ahmed rappelle que « la capacité énergétique nationale actuelle est de 120 MW ». M’interconnexion avec l’Ethiopie permet de répondre à deux tiers de la demande avec une capacité d’importation de 80MW en 2017, d’après un document officiel de la Banque mondiale.

Prospections et forages soutenus par des pays du monde entier

Largement soutenu par la communauté internationale, le pays a lancé plusieurs campagnes de prospection et de forage. La France est partenaire du plus important et du plus avancé, dans la caldera de Fialé, à proximité du lac Assal. Ce projet est financé par l’Agence française de Développement (AFD), aux côtés notamment de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement. Il utilise du matériel islandais et est encadré par des experts américains.lac-assal-geothermie-djiboutiLes travaux ont commencé le 11 juillet 2018, par trois forages directionnels de 2 500 mètres de profondeur dans un réservoir de roches volcaniques fissurées où l’eau monte à une température de 300 °C. Ces forages vont permettre de déterminer le potentiel exact du site, et appuyer l’étude de faisabilité. En fonction de ces paramètres, la centrale construite fournira au réseau électrique une puissance disponible comprise entre 50 et 100 MW, à un coût inférieur à l’éolien ou au solaire.

Un second programme de forage va démarrer en 2019, sur le site de Hanle-Garabayis, près du lac Abbé, financé à 80% par le Japon, partenaire technique privilégié du projet. Un programme de prospection a été lancé dans la région d’Arta grâce à des fonds venus des Émirats arabes unis.

Un projet piloté uniquement par des équipes locales

Les ingénieurs locaux de l’Oddeg ont également développé leur propre projet, de moindre envergure, mais piloté à 100% par des djiboutiens. Situé sur le site de Gaela-le-Koma, il s’appuie sur des forages de moyenne profondeur (entre 300 et 600 mètres) et un réservoir géothermique intermédiaire, d’une température de 140°C.

Financé par le Fonds koweïtien pour le développement (FKD) et le Fonds arabe pour le développement économique et social (Fades), ce projet devrait donner naissance à une centrale géothermique de 15 MW d’ici 2021. Le potentiel total du site est d’une centaine de MW.

Un laboratoire mondial de valorisation électrique de la géothermie

De nombreux autres sites ont été identifiés, faisant de Djibouti un laboratoire mondial de valorisation électrique de la géothermie. Les prochains mois vont être décisifs pour la réussite de ce vaste plan.

Si les premières centrales produisent la quantité d’électricité prévue, au prix envisagé, Djibouti n’aura aucun mal à trouver les investisseurs pour poursuivre son programme. Et l’autonomie électrique renouvelable pour 2035 sera tout, sauf une utopie.