Longtemps ignorée, l’empreinte environnementale du numérique est aujourd’hui un sujet de préoccupation majeur. Eric Vidalenc, auteur de l’ouvrage « Pour une écologie numérique », répond aux questions de Réseau Durable.
Qu’entendez-vous par « écologie numérique » ?
Le propos de mon livre est d’essayer de se tenir sur une ligne de crête entre des approches où la technologie est censée tout résoudre à travers l’internet des objets, la mise en données de nos modes de production et de consommation… Et puis une approche beaucoup plus sceptique ou critique de la technique, selon laquelle il faudrait se passer du numérique. Je pense qu’on ne peut plus se passer du numérique aujourd’hui, en tout cas pas rapidement. En même temps, le numérique pose beaucoup de problèmes et de questions environnementales. Cette ligne de crête consiste à regarder les opportunités que le numérique peut nous offrir et en même temps, être conscient de ses impacts sur l’environnement.
Pourquoi cette notion d’écologie numérique a-t-elle mis autant de temps à émerger ?
Les termes que l’on employait jusqu’à présent concourraient à rendre le sujet ou ses impacts invisibles. Typiquement, on parlait de « dématérialisation » pour parler du numérique. Or, on ne dématérialise pas du tout, on rematérialise ou on externalise. Plutôt que de faire du papier, on utilise des serveurs, des réseaux, des terminaux et tout ça consome énormément de ressources à produire, de déchets qui sont globalement mal recyclés, et pendant la durée de vie ce sont aussi des consommations d’énergie. Donc c’est très matériel, et non pas dématérialisé. Aujourd’hui, on est en train de prendre conscience de ce phénomène, aux Assises de la transition énergétique mais aussi à travers différents travaux qui ont été publiés, que ce soit par la communauté green it ou le par le Shift Project par exemple, qui ont permis de mettre un premier ordre de grandeur sur le poids environnemental du numérique.
Comment le numérique peut-il servir la transition énergétique ?
Là où le numérique est intéressant, c’est sur la mise en visibilité. Il est possible d’aller beaucoup plus loin que ce qui est fait aujourd’hui, en essayant de comprendre l’écosystème technique dans lequel nous sommes, ce qui consomme, ce qui a un impact environnemental… Cela ne veut pas dire que les choses vont se faire toutes seules, ni qu’il suffit d’optimiser ce système-là, parce qu’il faut le transformer. Le numérique est intéressant et important parce qu’il peut nous permettre de mieux intégrer les énergies renouvelables, de mieux jouer sur la prévisibilité des moyens de production ou de la demande. Dans le même temps, il représente aussi une vulnérabilité supplémentaire en termes de cybersécurité, de failles ou de dépendance technique.