Eclipse solaire : enjeux énergétiques

Alors que l’éclipse totale de 1999 n’avait eu aucun impact sur le réseau électrique, le développement des énergies renouvelables en Europe et plus précisément de l’énergie photovoltaïque a fait émerger une question en amont de l’éclipse du 20 mars 2015 : devait-on craindre le black-out ? En cachant 80% du soleil en moyenne en Europe, l’éclipse a provoqué une perte de capacité de 34 000 mégawatts (MW) issus des panneaux photovoltaïques qui aurait pu avoir des conséquences aussi bien au début qu’à la fin de l’éclipse lorsque ces 34 000 MW sont réapparus sur le réseau.

Une coopération européenne…

Si en Allemagne l’éclipse devait provoquer une perte de 17 000 MW sur un total de 40 000 MW, elle ne devait être que de 2 000 MW sur 5 400 MW en France. Pourtant, les risques étaient présents en Allemagne comme en France. RTE avait ainsi prévenu que : « la baisse de la production photovoltaïque, si elle n’est pas compensée en quelques instants, pourrait entraîner un déséquilibre entre la production et la consommation, provoquant ainsi une variation importante de la fréquence électrique sur laquelle fonctionnent les réseaux des trente-quatre pays européens interconnectés ».

L’interconnexion des réseaux électriques en Europe a débuté en 1958 et va en s’accentuant, notamment avec le récent lancement de « l’Union de l’énergie ». Cette interconnexion avait pour but de sécuriser l’alimentation en énergie des pays. Pourtant les risques sont également partagés. En amont de cette éclipse, l’European Network of Transmission System Operators (Entso-E) avait ainsi publié fin février une analyse pointant un risque majeur pour la sécurité du réseau européen et établissant un « plan d’action commun » visant l’entraide entre les différents producteurs d’énergie. La Suisse comme la France qui disposent de capacités hydrauliques majeures pouvaient alors revendre de l’électricité à leur voisin allemand. L’avantage de cette source d’énergie est en effet sa souplesse, les centrales hydrauliques jouant un rôle de régulateur en période de pic de la demande.

…à l’échelle des réseaux

Les risques de surtension annoncés ont finalement été bien gérés à en croire le silence des médias sur toute panne ou incident. Chance ou anticipation ? Cet épisode témoigne en tout cas d’une évolution à l’échelle de l’Europe. Lors de la dernière éclipse totale en 1999, la capacité photovoltaïque était alors cent fois inférieure à celle d’aujourd’hui. En Allemagne le solaire représente désormais 7% de la production énergétique et couvre jusqu’à 50% des besoins électriques de ses habitants aux heures les plus ensoleillées. En France, même si la production énergétique demeure dominée par l’énergie nucléaire, le développement des énergies renouvelables commence et laisse apparaître une nouvelle tendance : la décentralisation de la production d’électricité.

Depuis 1999 la gestion du réseau a beaucoup évolué. Si le développement des smart grids et super grids est très médiatisé depuis quelques années, on observe également une coordination grandissante des différents gestionnaires européens, plus discrète et pourtant nécessaire au bon fonctionnement du réseau. Les échanges d’électricité aux frontières permettent ainsi de réguler l’offre d’électricité en fonction de la demande. La Commission de Régulation de l’Énergie précisait ainsi dès 2012 que pour la France, « les capacités d’importation, qui représentent 8 à 10% de la consommation maximale, facilitent le passage de ces pointes de consommation, en ayant recours aux surplus d’électricité des pays frontaliers, dont la consommation est moins thermosensible ».

Sources : Entsoe.eu, cre.fr, lemonde.fr, liberation.fr, nouvelobs.com, letemps.ch, neo-planete.com, sronline.de