Une barge gigantesque a été installée, à Bordeaux, sur la Garonne, non loin du Pont de Pierre : elle va servir de base à une expérimentation de l’énergie hydrolienne en estuaire, une première mondiale. Car si l’avenir de l’hydrolien semble davantage lié aux courants marins, du moins en termes de puissance installée, fleuves et estuaires peuvent également proposer une énergie propre, renouvelable, continue et prévisible.
Le principe de l’énergie hydrolienne est de capter, à l’aide de turbines, l’énergie générée par des courants, marins ou fluviaux. Les avantages de l’hydrolien sont nombreux : elle est renouvelable et prévisible, ne pollue pas, est disponible en continu (à l’inverse de l’intermittence du vent et du soleil).
L’hydrolien : une énergie à fort potentiel, notamment en mer
L’énergie hydrolienne est systématiquement classée dans les énergies dites « marines » car l’immense majorité des projets, au niveau mondial, s’applique à des courants marins. Car si cette technologie est encore jeune, son potentiel en mer est immense, et intéresse fortement industriels et collectivités.
L’hydrolien présente cependant quelques inconvénients, comme la lourdeur de la maintenance, notamment en milieu marin, car sel, courants, dépôts, algues et organismes attaquent l’hydrolienne, qui doit donc être révisée régulièrement. Mais elle ne peut être installée en pleine mer, elle doit donc être déséquipée pour ce faire. Autre souci : son impact encore méconnu sur la faune, la flore et la pêche.
Les filières naissantes de l’hydrolien fluvial et d’estuaire
Ce potentiel de l’hydrolien marin fait parfois de l’ombre à ses deux petites sœurs : l’hydrolien fluvial et l’hydrolien en estuaire. L’hydrolien fluvial est actuellement opérationnel loin de la France (même si un démonstrateur est en service dans la région d’Orléans), notamment en Afrique.
Les sociétés Ecocinetic et Guinard Energie ont déjà installé une douzaine d’unités au Congo, permettant d’alimenter des maisons et des écoles. Un coup d’essai avant d’envisager un déploiement à grande échelle : « Le bassin du fleuve Congo présente un potentiel considérable qui permettrait d’alimenter l’ensemble du pays sans avoir à construire d’énormes barrages », explique Paul Guinard.
Le premier projet hydrolienne en estuaire est français !
Quand à l’hydrolien en estuaire, le premier projet mondial de ce type est en cours d’installation à Bordeaux. Nommé « Site expérimental estuarien national pour l’essai et l’optimisation d’hydrolienne » (Seeneoh), il est mis en place par la société Energie de la Lune, associé à des fabricants français d’hydroliennes comme HydroQuest.
Techniquement, il existe une différence fondamentale entre les trois types d’hydroliennes, qu’explique Jean-François Simon, président d’HydroQuest : « Une hydrolienne marine est accrochée au fond de l’eau, et capte les différents courants, tandis qu’une hydrolienne fluviale est accrochée à une barge et ne capte qu’un seul sens de courant. Une hydrolienne estuarienne, c’est les deux à la fois : elle est accrochée à une barge et exploite les différents courants. ».
Un espace de test de l’ensemble de la filière hydrolienne
Seeneoh aura une double vocation : s’il permettra de tester l’installation d’hydrolienne dans des estuaires, il sera aussi un lieu d’expérimentation pour l’ensemble de la filière, y compris l’hydrolien marin. L’endroit choisi pour installer la barge et l’hydrolienne est, de ce point de vue, stratégique : les piles du Pont de Pierre accélèrent en effet le débit de la Garonne – la vitesse de l’eau peut atteindre les 3,6 mètres par secondes.
« Développer une filière suppose que les fabricants de turbines puissent tester leurs machines. Ici, les effets de la marée et la force du courant permettent de simuler ce qui se passe en mer avec, en outre, une grande quantité d’alluvions qui mettent les machines à rude épreuve. Tout en offrant le confort des installations portuaires, l’accessibilité et la facilité de raccordement au réseau électrique », explique Marc Lafosse, fondateur de la société Energie de la Lune
Un enjeu de taille : déterminer la viabilité de cette technologie en estuaire
Mais Seeneoh est, avant tout, le premier espace d’expérimentation de l’hydrolien en estuaire – et c’est la viabilité de cette technologie qui va être mise en question. Pour ce faire, HydroQuest va tester trois paramètres durant une année : la quantité d’électricité produite en fonction de la puissance du courant, pour déterminer si l’hydrolienne est rentable ; la résistance de l’hydrolienne au courant et au milieu fluvial ; l’impact environnemental sur l’écosystème du fleuve, notamment le comportement des poissons à proximité des hydroliennes.
Pendant un an, l’hydrolienne en estuaire sera reliée au réseau électrique de Bordeaux et permettra d’alimenter une centaine de foyers ; une borne de recharge pour voiture électrique située sur les quais sera également alimentée par cette nouvelle source d’énergie.
Hydrolien en estuaire privilégiera les PME
Pour autant le potentiel réduit de l’hydrolien fluvial et d’estuaire, comparativement à l’hydrolien marin, continue de freiner le développement de ces technologies, peu attractives pour les grands groupes industriels.
Seules des PME s’y attellent, mais avec, pour l’heure, de très belles perspectives pour une énergie qui restera, quoi qu’il arrive, toujours une source d’appoint, mais qui a de très beaux atouts à faire valoir.