L’Agence internationale de l’Energie (AIE) a publié un rapport sur la numérisation des systèmes énergétiques. Celui-ci évalue à 100 milliards d’euros dans le monde les bénéfices des smart grids.  

Baptisé Numérisation et énergie (Digitalization and Energy en anglais), ce rapport analyse les effets de la numérisation sur la demande et la production d’énergie mondiale totale. Les conclusions sont sans appel: non seulement les smart grids permettent des gains environnementaux colossaux, ils sont également synonymes de retours sur investissement majeur.

 

Déjà 47 milliards de dollars d’investissement dans les smart grids

Le rapport de l’Agence internationale de l’Énergie dresse d’abord un état des lieux des investissements dans les smart grids,qui ont connu une accélération significative ces dernières années. Depuis 2014, les investissements dans le secteur ont en effet augmenté en moyenne de 20% par an. En 2016, ils atteignent la somme colossale de 47 milliards de dollars. Ainsi, le budget consacré aux réseaux électriques intelligents est supérieur de 40% au budget mondial des investissements dans la production d’électricité au gaz.

Ces investissements s’articulent autour de cinq briques technologiques différentes, mais néanmoins complémentaires :

  • les compteurs communicants, socle du déploiement d’un réseau intelligent
  • les infrastructures (capteurs, système de transferts de données et de commande, hardware, etc.)
  • les logiciels dédiés, notamment de gestion des systèmes électriques et de gestion de l’énergie industrielle, et toutes les plateformes de pilotage smart grids
  • les systèmes de contrôle énergétique des bâtiments
  • les bornes de recharge des véhicules électriques et leur intégration à un réseau intelligent

 

5% d’économie sur les coûts annuels de production de l’électricité

Le rapport propose également des projections à l’horizon 2040, à partir d’un scénario de déploiement optimal. L’AIE estime ainsi que les économies offertes seraient de l’ordre de 80 milliards de dollars annuels sur la période 2016-2040, soit 5% des coûts annuels de production d’électricité.

Ces postes d’économie se déclinent dans quatre domaines principaux, là aussi complémentaires les uns des autres.

Le premier est une amélioration de l’efficacité des centrales électriques et du réseau. Les smart grids offrent une information en temps réel sur la production et la consommation d’électricité, ainsi qu’un pilotage à distance. Ils permettent ainsi de mieux les faire coïncider, de limiter les gaspillages et d’éviter les coûteuses phases de surproduction.

Le deuxième et le troisième sont complémentaires. La numérisation permettrait d’une part de réduire les coûts d’exploitation et d’entretien, tant pour la production que pour la distribution, notamment grâce à la maintenance prédictive. A l’ère du big data, l’exploitation et l’analyse des données issues des systèmes électriques permettent de mieux anticiper les pannes. L’anticipation permettant la réaction, le numérique offre logiquement, une réduction des pannes et des temps d’arrêt, car la maintenance, en plus d’être moins onéreuse, serait bien plus efficace.

 

Le quatrième est, à long terme, l’une des retombées les plus importantes de la numérisation du secteur de l’électricité : il s’agit de « la possibilité de prolonger la durée de vie opérationnelle des centrales électriques et des composants de réseau, grâce à une maintenance améliorée et à une réduction des contraintes physiques sur les équipements ». Cette prolongation des actifs énergétiques permettrait de réduire l’investissement de 20 milliards d’euros par an dans les réseaux et de 34 milliards par an, dans les centrales électriques.

 

« Brouillage de la distinction entre production et consommation »: un bouleversement du système électrique

Au-delà de ces économies « brutes » offertes par les outils numériques, les smart grids vont également permettre une transformation profonde du secteur de l’électricité, liée directement à la transition énergétique.

« Le plus grand potentiel de transformation numérique de l’énergie réside dans le brouillage de la distinction entre production et consommation au travers de quatre leviers : la flexibilité, l’intégration de sources d’énergie renouvelables, la mise en œuvre d’une tarification intelligente pour les véhicules électriques ainsi que l’émergence de ressources électriques décentralisées à petite échelle comme le photovoltaïque domestique. »

Les enjeux des smart grids selon Nathalie Kosciusko-Morizet

L’AIE note que ces quatre leviers sont interdépendants, et que leurs déploiements doivent être conjoints. Le développement de la flexibilité électrique est par exemple indispensable à l’intégration d’une part plus importante d’énergies renouvelables intermittentes dans le mix énergétique mondial, en offrant une plus grande souplesse au réseau.

 

Plus de flexibilité, des investissements évités et donc des gains économiques

Les systèmes intelligents de pilotage de la demande pourraient fournir, au niveau mondial, environ 185 GW de flexibilité énergétique. Cette flexibilité permettrait à elle seule d’économiser 270 milliards d’euros d’investissements dans de nouvelles infrastructures électriques, qui auraient été autrement nécessaires, entre 2016 et 2040. C’est dire que le retour sur investissements des réseaux électriques intelligents est significatif.

Parallèlement, le pilotage intelligent des bornes de recharge de véhicules électriques permettrait également une articulation efficiente entre l’offre et la demande en énergie. Cela représenterait une économie comprise entre 100 et 280 milliards d’euros sur la période, en fonction du rythme de déploiement des véhicules électriques.Au final, les conclusions du rapport de l’AIE convergent avec celles d’un rapport de l’ADEME déjà paru en juillet 2017. Tous deux confirment largement la rentabilité des investissements dans les réseaux électriques intelligents, tant d’un point de vue économique qu’environnemental.